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Visite de Robert Badinter

  • Décembre 2013

   Robert Badinter, ancien ministre de la Justice, et avocat présidait ce mardi après-midi la cérémonie de commémoration du 70e anniversaire de l'arrestation. Dans son allocution, l'ancien garde des Sceaux n'a pas manqué de porter un regard d'aujourd'hui sur ces faits tragiques d'hier : "Que le souvenir demeure vivant en notre temps où résonnent encore le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Je le rappelle hautement ici : l'amour de la patrie et de la liberté s'enracine dans l'amour de l'humanité toute entière. C'est l'ultime leçon que nous enseignent ces enfants de la Bretagne, fusillés alors qu'ils n'avaient pas 20 ans avec ces immigrés résistants. Car ils sont morts ensemble pour que nous vivions libres".

   Extrait d'entretien - O.F.

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Malgré les multiples sollicitations dont vous faites l'objet, pourquoi avez-vous accepté de présider les cérémonies du 70e anniversaire de l'arrestation de dix-neuf élèves du lycée Anatole-Le Braz à Saint-Brieuc, dont trois furent fusillés au Mont-Valérie ?

Lorsque le président du conseil général des Côtes-d'Armor, Claudy Lebreton, m'a fait part de l'invitation de l'Amicale des anciens élèves des collèges et lycées Le Braz et Renan, je n'ai pas hésité un instant. Cet anniversaire est pour moi l'occasion de rappeler aux collégiens les valeurs de ces héros, de leur rappeler aussi qu'ils en sont les héritiers. Et puis de revenir en Bretagne, que j'aime tant !

Comment avez-vous eu connaissance de l'exécution de trois d'entre-eux qui n'avaient pas 20 ans ?

En 1997, alors sénateur, j'ai été à l'origine de l'édification d'un monument près de la clairière des fusillés du Mont-Valérien, où sont désormais inscrits les noms de ces hommes et femmes tombés en martyrs pour la France. Jusqu'alors, aucune stèle pour rappeler comme sur les monuments aux morts de nos villes et villages, les noms de ceux qui avaient, là, donné leur vie. Au cours de la réalisation de ce projet, j'ai découvert les noms de Yves Salaün, Pierre Le Cornec et Georges Geoffroy, exécutés le 21 février 1944, et lu leur dernière lettre. Lors de l'inauguration du monument, le 20 septembre 2003, j'ai tenu à prononcer leur nom.

Vous avez lu certaines lettres, écrites quelques heures avant leur exécution. Comment expliquez-vous, que ces hommes qui ont connu des souffrances et parfois des tortures, n'aient pas exprimé de haine ou d'appel à la vengeance ?

Ces jeunes héros expriment dans leur dernière lettre, outre l'amour pour leurs proches, une fermeté de caractère exemplaire soutenue par l'idéal qui les transcende : que la France vive libre. Ils meurent en soldats et aucune haine ne les habite contre l'ennemi. Bien au contraire, certaines lettres de fusillés nous révèlent des hommes épris de fraternité, qui espèrent que leur sacrifice permettra la construction d'un monde meilleur. En Europe, leurs survivants ont bâti, loin de la vengeance qui a tant coûté à notre continent, un espace de paix durable, de respect des droits de l'homme et de prospérité économique que le monde nous envie, même en ces temps de crise. Nous leur devons de poursuivre cette œuvre majeure qu'est la construction européenne. « L'Hymne à la Joie », qui est l'hymne de l'Union européenne, sera d'ailleurs chanté par les collégiens, lors de la cérémonie du 10 décembre. Tout un symbole.

Avec la disparition des témoins de cette époque, ne craignez-vous pas que le devoir de mémoire s'estompe au fil du temps ?

Pour que le devoir de mémoire perdure, il faut d'abord conserver tous les témoignages et traces de cette cruelle époque, nous prémunir contre leur disparition. Quant à la transmission de cette mémoire aux générations suivantes, elle est un devoir non seulement des autorités publiques, mais aussi de l'école et des familles.

La France a pris la tête d'un combat visant à l'abolition universelle de la peine de mort. Vous qui avez vaincu la guillotine en France, pensez-vous que la peine de mort soit vouée à disparaître ?

J'en suis convaincu. Comme la torture, la peine de mort, qui est un châtiment cruel et inhumain, disparaîtra de toutes les législations, en premier lieu dans les pays démocratiques. Aujourd'hui, les États abolitionnistes en droit ou en fait sont 140, sur les 193 membres de l'Onu. L'abolition universelle est en marche, et je suis heureux que la France y prenne toute sa part.

Avec la montée des extrêmes droites en France et en Europe, l'abolition de la peine de mort est-elle menacée ?

L'Europe est le seul continent qui a éradiqué définitivement la peine de mort, et a fait de l'abolition une condition de l'appartenance à l'Union européenne comme au Conseil de l'Europe. Les discours qui évoquent un retour en arrière sont démagogiques et trompeurs.

En France, la constitution interdit le recours à la peine de mort, tout comme la Charte des droits fondamentaux de l'Union (art. 2). En Europe, la peine de mort, c'est fini.

Ce mardi 10 décembre, à 15 h, dans la cour d'honneur du collège Anatole-Le Braz, 46, rue du 71e R.I., en présence de Georges Duffereau-Epstein (président de l'Association nationale des familles des fusillés et massacrés de la Résistance française) et Jean Geffroy, l'un des derniers survivants de la rafle du lycée Le Braz. De 10 h à 18 h un bureau de Poste spécial sera ouvert au collège. Y seront édités, pour l'occasion, une carte postale, un timbre et une oblitération commémorative de la rafle.

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